Cahier n°9 - Aux origines du Parti Communiste en Anjou
Par Frédéric Dabouis
Le projet de cette étude des conséquences de la Première Guerre mondiale sur le mouvement ouvrier angevin remonte à plus de trente ans. Ce cahier et les deux autres qui vont suivre sont le résultat d’un patient travail de lecture de documents parfois très fragiles, voire en lambeaux, du fait du mauvais papier utilisé à l’époque par la presse ouvrière, mais heureusement le plus souvent en bon état, consultés tant aux Archives nationales qu’aux Archives départementales de Maine-et-Loire, et ayant donné lieu à plusieurs gros classeurs de notes accumulées au fil du temps, entre réunions syndicales, politiques, associatives… et mon travail d’enseignant en collège. Le tout entremêlé de nombreuses lectures sur le sujet, au rythme des parutions, comme on pourra le constater en lisant la bibliographie.
Pour certains historiens ou historiennes, le communisme français était en quelque sorte un article d’importation, une « greffe » effectuée de l’extérieur sur le mouvement ouvrier français à la suite de la Révolution bolchévik d’octobre 1917 en Russie. Avec en sous-entendu : sans cette fameuse révolution, la création d’un Parti communiste important n’aurait jamais vu le jour en France, et subsidiairement (au début des années 90) : puisque l’URSS a disparu, sa raison d’être n’existe plus, et l’ensemble des organisations se réclamant du communisme ne seraient donc ni plus ni moins que des « dinosaures » politiques voués à une extinction prochaine…
L’idée directrice de ce travail est au contraire de montrer comment, au niveau local comme au niveau national ou international, des esprits libres, non manipulés par diverses propagandes, ont réagi aux affres de la guerre, et ont finalement convergé dans ce qui peut être considéré comme la réaffirmation des bases du socialisme ou du communisme tel qu’il était pensé dès 1848 par Karl Marx et Friedrich Engels : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » [1]. Ainsi, de toute façon, les renoncements, pour ne pas dire trahisons, d’août 14 ne pouvaient mener qu’à une fracture du mouvement ouvrier.
La période couverte par cette étude commence donc avec l’entrée en guerre de l’Europe en août 1914, guerre opposant la Triple Entente (France, Empire russe, Royaume-Uni) aux « Empires centraux » (Allemagne, Autriche-Hongrie), ces derniers étant alliés à l’Empire turc ottoman. Elle se termine avec l’année 1924, qui correspond à la fois à la mort de Lénine (21 janvier), à la « bolchévisation » du Parti communiste mais aussi à des purges en son sein et à la reconnaissance de l’URSS par la France (28 octobre).
Pour des raisons pratiques, nous avons divisé ce travail en trois volets :
le présent cahier, qui couvre la période de la guerre (d’août 1914 au 11 novembre 1918),
un second, qui traitera des années 1919 et 1920, traversées par un puissant mouvement social porteur de grandes espérances sociales et par le grand débat autour de l’adhésion ou non des syndicats et/ou du Parti socialiste à l’Internationale communiste,
un troisième et dernier cahier, qui portera sur les débuts du Parti communiste en Anjou (1921-1924), ses débats internes et son fonctionnement, avant ce qu’on appelle couramment la stalinisation, c’est-à-dire la caporalisation du PCF et de la CGTU.
Pour terminer, je voudrais rendre ici un hommage appuyé aux personnels des Archives départementales de Maine-et-Loire sans qui ce travail n’aurait pu exister.
[1] Phrase finale du Manifeste communiste, publié en allemand à Londres en janvier 1848.